Pour le printemps de 1931, aussi qu’une future vedette qui n’a pas encore celebre le quatorzieme anniversaire s’apprete a affronter pour la premiere fois studios et projecteurs en tournant Notre Bal, tire d’une nouvelle d’Irene Nemirowsky, sous J’ai direction du realisateur autrichien Wilhelm Thiele, le cinema national n’a prononce ses premiers mots que avec bien peu de temps libre.
A peine 2 annees, et force est de reconnaitre qu’il ne maitrise pas encore avec toute la rigueur requise votre usage, pour lui si nouveau, de la parole.
A vrai dire, il ne sait meme gui?re s’il en a tellement le desir que i§a. Mais on n’arrete nullement le progres, a votre que l’on dit.
Vous devez preciser qu’au lei§ons des annees 20 le cinena francais, art populaire s’il en pantalon, s’est quelque minimum egare, sous J’ai pression des “cinegraphes” epris de poesie de kiosque de gare et de litterature bien lechee, sur la pente fatale d’un esthetisme boursoufle et emmerdant. De petites audaces visuelles, juste formelles, semblent une maniere commode de faire avaler la banalite du propos. Rien a voir avec le deferlement sovietique, la noirceur de l’expressionnisme, du kammerspiel et du realisme allemands ou l’emotion des grands classiques americains de Chaplin, Stroheim, Keaton, Sternberg ou Vidor. Au pays de Descartes, apres la mort de Feuillade, Grand Maitre des lions et des vampires en collants noirs (et a episodes), le pot-au-feu des academiciens est avance. Parfois, tout de meme, une image incongrue arrive a leur echapper et devient belle malgre eux, mais cela. ne dure jamais. Ils font bien aussi plusieurs petits nouveaux, Rene Clair, Renoir, Gremillon, Vigo, Bunuel que le Espagne natale embrase, voire Feyder et ce petit Carne si enchante avec Nogent, Eldorado du Dimanche, qui debutent au metier, tentent de pointer le museau hors de toute votre vase et cherchent a rendre le cinema (surtout jamais “tographe” !) a sa vocation premiere. Cela leur faudra encore attendre quelque peu. Attendre le “parlant” justement. Notre traitant, des cinegraphes qui, ainsi que leur nom l’indique, se paraissent donnes outpersonals pc Afin de but d’ecrire le mouvement et preferent le vide de la belle image Afin de la belle image, n’en ont cure. L’un d’eux, plus clairvoyant que ses copains (mais malheureusement mort prematurement) avait votre jour affirme dans une des revues introuvables qu’un cinegraphe perdant l’inspiration devenait photographe. Ils devinrent a peu pres l’ensemble de photographes assez vite. A tel point que i§a termine par en etre mechant pour les vrais photographes.
Il semble si peu au rendez-vous ici, le son, que lorsqu’il va falloir enfin sauter le nullement en 1929, le premier long metrage francais traitant, Les trois Masques, doit etre realise dans les studios londoniens, ceux de Paris se revelant insuffisamment equipes pour une telle equipee.
Des les debuts du cinematographe pourtant, les Francais avaient d’emblee eu envie de le faire parler. Leon Gaumont et Charles Pathe avaient fierement presente a l’Exposition universelle de 1900 leurs images animees parlantes ou, plus exactement, chantantes, puisque ces courtes bandes etaient en general interpretees par des gloires de l’opera et du cabaret en ce que l’on n’avait pas encore ose appeler du “playback”. Quelques-unes donnaient a voir et a entendre declamer certains comediens illustres ayant accepte d’etre ainsi mis en conserves. Perfectionnant au fil un moment le systeme de synchronisation par disques, Gaumont fit composer pendant une agreable vingtaine d’ans un nombre considerable des courts-metrages musicaux ou theatraux, auxquels s’ajouterent parfois des bandes d’actualites (voir a votre theme le coffret Fremeaux FA 171 consacre a Notre “grande guerre”). Le brevet fut d’ailleurs pique au sein des annees 20 avec des promoteurs du systeme “Vitaphone”, qui lancerent la mode du “parlant et sonore” en se gardant bien de verser un cent au veritable inovateur. La-bas, dans cette Amerique ou seule compte la rentabilite et ou le post vert a depuis forcement remplace (avantageusement) l’image de Dieu, le debat n’avait pas grand chose d’esthetique. Gros investissement certes, mais economies et benefices a venir de bien plus belle envergure encore ! Donc, on fonca. D’autant qu’a J’ai suite du Vitaphone couteux et jamais tres fonctionnel, arriva un autre systeme (reellement nouveau celui-la), proposant une transcription optique du son et votre synchronisme image/son enfin satisfaisant. Les des etaient jetes. Le muet, qui atteignit les sommets d’la perfection en ces jours de pre-depression coincidant avec ceux de son agonie, eut excellent produire chefs-d’?uvre via chefs-d’?uvre, rien n’y fit : a ceux-ci l’auditoire prefera le palichon Jazz Singer (ou le jazz ne se trouvait que dans le titre), parce que c’etait le premier “talkie”. Meme l’intransigeant Chaplin decida, que son futur film — son plus beau ? — serait, sinon “parlant”, du moins “sonore”.
En Japon, en Allemagne cette question du passage au parlant ne posa nullement d’enormes problemes ethiques ou artistiques. En France en revanche, on I’a decouvert, l’hesitation pantalon de mise. On s’y inquieta de ce que cet art de l’image animee parvenu a sa maturite ne regressat et se trouvat relegue au rang de simple satellite d’un theatre, dans un role subalterne de conservation. Crainte au demeurant non denuee de fondement, car l’arrivee d’la parole fit filmer une ribambelle de pieces en maniere la plus plate. Il est grand qu’au meme moment Hollywood, emoustille via le phenomenal succes du Chanteur de Jazz, couchait systematiquement sur pellicule des belles revues de Broadway sans se preoccuper le moins de l’univers d’originalite. Il faudra des annees Afin de en arriver a toutes les geniales commedies musicale d’un Busby Berkeley ou a toutes les eblouissants numeros de Ginger et Fred.